Que Faire en Cas de Sinistre Couvert par l’Assurance Responsabilité Civile Décennale ?

L’Assurance Responsabilité Civile Décennale (ou assurance décennale) est une garantie obligatoire pour tous les professionnels du bâtiment, couvrant pendant dix ans les dommages compromettant la solidité d’un ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.
Mais lorsque le sinistre survient, beaucoup de maîtres d’ouvrage ou d’entrepreneurs se demandent quelle est la bonne procédure à suivre pour que l’indemnisation se déroule dans les règles et dans les meilleurs délais. Ce guide vous offre une vision experte, claire et pratique de ce qu’il faut faire, étape par étape, en cas de sinistre.
Table des matières
🧱 1. Identifier un sinistre relevant de la garantie décennale
Avant toute chose, il est fondamental de savoir si le dommage constaté est bien couvert par la garantie décennale. Cette dernière ne couvre pas tous les types de malfaçons, seulement les plus graves.
✅ Les dommages concernés :
- Ceux compromettant la solidité de l’ouvrage, comme l’effondrement d’un mur, une charpente fissurée, des fondations qui bougent.
- Ceux rendant l’ouvrage inhabitable ou impropre à sa destination, comme une mauvaise étanchéité généralisée, des infiltrations majeures, un plancher qui s’affaisse.
- Les défauts affectant des éléments indissociables du bâtiment, comme une installation électrique encastrée défectueuse ou un chauffage au sol mal posé.
❌ Les dommages exclus :
- Les défauts esthétiques (peinture qui s’écaille, carrelage mal aligné).
- Les équipements dissociables du bâtiment (radiateurs amovibles, électroménagers).
- Les dégâts liés à l’usure naturelle ou au mauvais entretien.
- Les dommages causés par une catastrophe naturelle (couverts par une autre assurance).
💡 Astuce : Si vous avez un doute, consultez un expert du bâtiment ou votre assureur pour confirmer que le dommage est éligible à la garantie décennale.
🧾 2. Réunir les preuves du sinistre
Pour lancer une procédure d’indemnisation, il est essentiel de constituer un dossier solide prouvant l’existence et la gravité du sinistre. Plus votre dossier est documenté, plus l’analyse de votre demande sera rapide.
Ce que vous devez rassembler :
- Photos claires des dégâts, prises sous plusieurs angles.
- Une description détaillée du sinistre, avec la date d’apparition, son évolution et les conséquences concrètes.
- Le contrat de construction ou devis signé par l’entreprise ayant réalisé les travaux.
- La réception des travaux (PV de réception ou preuve d’achèvement).
- Le nom et les coordonnées de l’entreprise concernée.
- Si possible, les factures, plans techniques, ou certificats de conformité liés aux travaux.
💼 Exemple concret :
Un propriétaire constate, 4 ans après la construction de sa maison, que des fissures importantes apparaissent sur les murs porteurs intérieurs. Il prend des photos, consulte le PV de réception signé, et contacte le constructeur qui avait effectué les travaux. Il conserve aussi les devis initiaux et les échanges par e-mail pour enrichir son dossier.
📤 3. Déclarer le sinistre à l’assureur du constructeur
Une fois le sinistre constaté et documenté, il faut déclarer officiellement l’incident à l’assureur qui couvre le professionnel ayant réalisé les travaux.
Ce n’est pas votre propre assureur habitation que vous devez contacter (sauf si vous avez souscrit une assurance dommages-ouvrage), mais l’assureur décennal du constructeur.
📬 Modalités de déclaration :
- Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR).
- Envoyer la déclaration le plus tôt possible après découverte du sinistre.
- Joindre tous les documents préparés dans le dossier.
📄 Contenu de la déclaration :
- Coordonnées du déclarant (vous).
- Coordonnées de l’entreprise responsable des travaux.
- Adresse de l’ouvrage concerné.
- Description du sinistre et date d’apparition.
- Copie de la réception des travaux.
- Preuves visuelles et techniques si disponibles.
💡 Bon à savoir : En cas de difficultés pour identifier l’assureur décennal, vous pouvez demander à l’entreprise concernée une attestation d’assurance ou contacter le courtier ayant géré le contrat.
🧑🔧 4. Attendre l’expertise et faciliter les investigations
Une fois le sinistre déclaré, l’assureur missionne généralement un expert indépendant chargé d’analyser la situation. L’objectif est de vérifier que le sinistre entre bien dans le champ de la garantie décennale et d’en évaluer le coût de réparation.
📅 Déroulement de l’expertise :
- L’expert vous contacte pour fixer un rendez-vous sur le lieu du sinistre.
- Il procède à des constats visuels, relevés techniques, et vous pose des questions sur les travaux réalisés.
- Il peut vous demander des documents complémentaires (factures, photos avant sinistre, preuves d’entretien, etc.).
- Il rédige un rapport d’expertise transmis à l’assureur.
🛠️ Exemple :
Un expert constate que les infiltrations signalées dans la salle de bains proviennent d’une étanchéité mal posée sur une douche encastrée. Il établit que cette malfaçon rend l’ouvrage partiellement impropre à sa destination : la garantie décennale est donc mobilisée.
💶 5. Obtenir la prise en charge ou l’indemnisation
Si l’expertise confirme que le sinistre est bien couvert par la garantie décennale, deux solutions sont possibles selon la situation :
✅ L’entreprise existe toujours :
L’assureur peut demander à l’entreprise responsable d’intervenir pour effectuer les réparations à ses frais, selon un planning déterminé. L’assurance couvre alors les coûts de main-d’œuvre, de matériel, et d’éventuels travaux annexes.
❌ L’entreprise est en liquidation, introuvable ou refuse d’intervenir :
Dans ce cas, l’assureur prend directement en charge l’indemnisation. Vous pouvez alors faire appel à une entreprise tierce pour effectuer les réparations, selon le budget alloué par l’assureur.
📄 Délai de traitement :
L’assureur dispose d’un délai maximal de 60 jours à compter de la déclaration pour notifier sa décision (acceptation ou refus de garantie). En cas d’accord, l’indemnisation ou les réparations doivent débuter dans les 90 jours suivant la réception du dossier complet.
❗ 6. Que faire en cas de refus de prise en charge ?
Même lorsque le dommage semble évident, il peut arriver que l’assureur décennal refuse de reconnaître le sinistre comme relevant de la garantie décennale. Ce type de situation est source de frustration pour le maître d’ouvrage, mais il existe des recours concrets et efficaces pour contester une décision défavorable.
Les motifs fréquents de refus
Plusieurs raisons peuvent expliquer le rejet d’une demande d’indemnisation :
- L’assureur estime que le sinistre ne porte pas atteinte à la solidité de l’ouvrage ou n’altère pas son usage normal, donc qu’il ne relève pas du périmètre décennal.
- Le dommage est jugé comme étant lié à un mauvais entretien du propriétaire, et non à une malfaçon d’origine.
- Le problème touche un équipement dissociable ou un élément esthétique, et non un élément structurel ou indissociable.
- Le sinistre est apparu hors du délai de 10 ans suivant la réception des travaux, ou il a été signalé trop tard.
- L’assureur découvre que le constructeur n’était pas assuré au moment des faits, ou que le sinistre concerne une activité non déclarée dans le contrat initial.
Que faire si votre demande est rejetée ?
Un refus n’est pas une fin en soi. Il existe plusieurs moyens pour défendre vos droits :
✅ Demander une contre-expertise
Vous pouvez missionner un expert d’assuré, indépendant de l’assureur, pour évaluer objectivement les causes et l’ampleur du sinistre. Son rapport peut contredire les conclusions de l’expert mandaté par l’assureur.
✅ Faire appel à un médiateur
Chaque compagnie d’assurance dispose d’un service de médiation interne ou externe. Vous pouvez saisir gratuitement ce médiateur pour tenter de régler le litige à l’amiable. Il analyse votre dossier et peut formuler une recommandation indépendante.
✅ Contacter un avocat spécialisé
Si la médiation échoue, il est conseillé de se tourner vers un avocat spécialisé en droit de la construction ou en assurance. Ce professionnel vous aidera à formaliser votre réclamation, à structurer votre argumentation et, si nécessaire, à engager une procédure judiciaire.
✅ Engager une action en justice
En dernier recours, vous pouvez saisir le tribunal judiciaire (ex-tribunal de grande instance), compétent en matière de litiges liés aux assurances construction. Le juge pourra contraindre l’assureur à indemniser, s’il estime que le sinistre entre dans le champ de la garantie décennale.
🛠 Exemple concret :
Un particulier voit le parquet de son logement se gondoler trois ans après livraison. L’assureur refuse d’intervenir, estimant que cela ne compromet pas l’usage du bien. Un expert indépendant démontre que le défaut provient d’un défaut de pose du plancher sur une dalle humide, rendant la pièce inhabitable à terme. Grâce à ce rapport, le propriétaire obtient gain de cause auprès du médiateur.
⚠️ À noter :
Ne laissez jamais un refus d’assurance sans réaction, surtout si le sinistre est grave. Les assureurs peuvent faire preuve de rigueur, mais un dossier bien défendu peut faire toute la différence.
🛡️ 7. Le rôle de l’assurance dommages-ouvrage (DO)
L’assurance dommages-ouvrage (DO) est souvent méconnue, voire négligée, par les particuliers et promoteurs. Pourtant, elle joue un rôle déterminant en cas de sinistre relevant de la garantie décennale, en accélérant l’indemnisation et en simplifiant les démarches.
Qu’est-ce que l’assurance dommages-ouvrage ?
Il s’agit d’une assurance que le maître d’ouvrage (propriétaire, promoteur, entreprise) peut souscrire avant le début des travaux. Elle permet de financer rapidement la réparation des dommages couverts par la garantie décennale, sans avoir à attendre qu’un tribunal détermine les responsabilités.
En pratique, l’assurance DO avance les fonds nécessaires pour les réparations, puis se retourne ensuite contre l’assureur du constructeur responsable.
Ce que couvre l’assurance DO :
- Tous les dommages pris en charge par l’assurance décennale (fissures structurelles, affaissement, infiltrations, etc.)
- Les malfaçons constatées dans les 10 ans après réception des travaux
- Les désordres entraînant une impossibilité d’habiter ou d’utiliser normalement le bâtiment
Pourquoi est-elle si précieuse ?
Dans les faits, les sinistres relevant de la garantie décennale peuvent être longs à résoudre si l’on passe uniquement par l’assureur du constructeur. Entre les expertises, les réponses contradictoires, voire les situations d’entreprise disparue ou en liquidation, les délais s’allongent souvent dangereusement.
Avec l’assurance DO :
- Pas besoin d’attendre de déterminer qui est responsable : vous êtes indemnisé plus vite
- L’indemnisation est souvent versée sous 60 à 90 jours, au lieu de plusieurs mois voire années
- Vous pouvez commencer les travaux de réparation rapidement, ce qui évite l’aggravation du sinistre
- Vous bénéficiez d’un interlocuteur unique, ce qui simplifie la gestion du dossier
🎯 Pour bien comprendre prenons ce cas pratique:
Un couple fait construire une maison individuelle avec un constructeur. Deux ans après la réception, des fissures profondes apparaissent sur les murs du salon. Ils avaient souscrit une DO. En moins de 45 jours, l’assurance indemnise les travaux de reprise des fondations. Ensuite, elle mène un recours contre l’assureur décennal du constructeur pour récupérer les fonds.
❗ Est-ce une obligation ?
Oui, dans le cadre d’une construction neuve pour soi-même ou pour la vente, la souscription de la DO est obligatoire. Ne pas la souscrire peut :
- Compromettre une vente future (le notaire demandera une attestation)
- Allonger de façon significative le traitement des sinistres
- Impliquer des frais importants si le constructeur est insolvable
💡 Bon à savoir :
Même si son coût peut sembler élevé (entre 2 % et 4 % du montant des travaux), la DO est un investissement judicieux. Elle sécurise l’opération et rassure les acheteurs ou les banques.
📌 Conclusion
Un sinistre relevant de la garantie décennale peut être stressant, mais en suivant les bonnes étapes, vous pouvez bénéficier d’une prise en charge rapide, efficace et sécurisante.
Rappelez-vous les points clés :
- Identifiez si le sinistre entre dans le champ de la garantie.
- Constituez un dossier complet avec preuves.
- Adressez la déclaration au bon assureur.
- Collaborez avec l’expert mandaté.
- Soyez attentif aux délais légaux et aux propositions de prise en charge.
Enfin, pour prévenir les litiges, il est fortement conseillé de vérifier l’assurance décennale de chaque entreprise avant tout chantier, de conserver tous les documents, et, si possible, de souscrire une assurance dommages-ouvrage complémentaire.
La sérénité dans la construction passe par une bonne couverture et une gestion rigoureuse des imprévus.
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